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Éditeur et auteur de La légende de Havilah, un récit fantastique mêlant Rwanda futuriste et références mythologiques, Manzi Rugirangoga souhaite développer la science-fiction africaine dans son pays et partager la culture rwandaise avec le plus grand nombre.

Après une tournée en Afrique de l’Ouest, Manzi Rugirangoga a rejoint le Centre culturel francophone du Rwanda, où il travaille comme responsable de la médiathèque. Invité au Masa d’Abidjan et à l’édition guinéenne du festival de BD Bilili, il envisage d’importer ce dernier à Kigali. Bien que calme en apparence, le trentenaire regorge de projets pour promouvoir les cultures africaines, en particulier celle du Rwanda.

Afrofuturisme ou futurisme africain ?

Premier auteur de son pays à explorer ce qu’il appelle le « futurisme africain », Manzi Rugirangoga a publié en français son premier roman, La légende de Havilah, en 2020. Il travaille actuellement à son adaptation en BD avec l’artiste illustrateur Tony Bakatubia. « La BD sera composée de dix tomes de 54 planches pour bien développer l’univers fantastique que j’ai créé », explique-t-il. Véritable récit initiatique, le roman retrace le parcours du jeune Gisa, qui a fui son village de Havilah où sévit Kizimu, l’esprit du lac. Gisa parcourt alors de nombreuses contrées aux cultures très distinctes, toutes inspirées de différentes régions africaines, et rencontre des entités mystiques.

Initialement, Manzi Rugirangoga utilisait le terme « afrofuturisme » pour décrire son genre, mais il s’en détourne aujourd’hui au profit de « futurisme africain ». « L’afrofuturisme vient de la diaspora américaine et imagine une Afrique moderne mais homogène. Avec le futurisme africain, je veux évoquer la projection futuriste par les Africains, en partant de leur culture. » Les lecteurs ont été beaucoup plus réceptifs que prévu – la seconde réimpression de son roman est en cours après avoir écoulé environ 500 exemplaires. L’intérêt croissant des artistes l’incite à réfléchir à un nom spécifique en swahili pour ce genre, espérant ainsi impulser un mouvement dans son pays.

Modernité et mythes

Manzi Rugirangoga fait partie de la génération des jeunes adultes qui insufflent un nouveau souffle à l’industrie culturelle rwandaise. S’il décrit des villes futuristes, son livre fourmille de références aux mythologies de toute l’Afrique et des Caraïbes. « J’ai eu l’idée de La légende de Havilah durant un rêve où je voyais Kigali moderne mais avec des habitants en habits traditionnels », raconte-t-il. Il s’est alors documenté sur les cultures d’autres pays d’Afrique. La mythologie égyptienne et la culture rwandaise sont la colonne vertébrale du roman, auxquelles s’ajoutent des références aux mythes du Congo, de Haïti, d’Éthiopie et de l’Empire mandingue.

Cet entremêlement de modernité et de retour aux racines résonne avec son parcours personnel. Né à Kigali en 1993, Rugirangoga fait partie des enfants exfiltrés au Burundi par des convois humanitaires lors du génocide perpétré contre les Tutsi. Il a ensuite été récupéré par son père, qui habitait en Saône-et-Loire (France). En quête de sens et d’identité, il retourne vivre dans son pays natal à 15 ans, où il apprend le kinyarwanda et « trouve les réponses à [s]es questions ». De retour en France pour des études de sociologie et de sciences de l’éducation, il fonde l’Organisation de la jeunesse afrodescendante de Lyon (OJAL) et organise des conférences et des projections de films « dans un but d’éducation politique liée au panafricanisme ».

Éduquer par les livres

C’est à cette période que ce grand lecteur réfléchit au meilleur moyen de transmettre les cultures africaines. « En regardant Naruto, je me suis dit que la fiction était la solution pour montrer l’unité et la diversité de mon continent. » Fan de manga, il se lance dans l’écriture de son roman, puis décide de le publier lorsqu’il s’installe définitivement au Rwanda en 2019. Peu convaincu par les maisons d’édition et leur rémunération désavantageuse pour les auteurs, il fonde Elimu Editions, qui signifie « éducation » en swahili.

Toujours dans une démarche de partage de la culture et de l’histoire, il voit son roman comme la première pierre d’un projet beaucoup plus grand. Le premier tome de sa BD devrait sortir à la fin de l’année. Il espère également créer un anime sur son héros, traduire son roman en anglais et réaliser une version audio en kinyarwanda pour mieux toucher le public rwandais, davantage intéressé par le format sonore. « J’aimerais aussi développer ma maison d’édition et organiser des événements culturels, ajoute Manzi Rugirangoga. En plus des essais sur l’éducation et des romans fantastiques que j’ai déjà publiés, je souhaiterais traduire des grandes œuvres africaines en kinyarwanda et, bien sûr, publier la suite de La légende de Havilah. »

Le mouvement est lancé, et avec lui, une nouvelle ère littéraire et culturelle pour le Rwanda. Manzi Rugirangoga incarne cette volonté de faire dialoguer tradition et modernité, offrant ainsi au monde une vision riche et complexe de l’Afrique, où le passé inspire le futur et où les histoires locales résonnent universellement.

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