La Gloire du chasseur Thiaroye : un cri pour la mémoire des tirailleurs sénégalais

La Gloire du chasseur Thiaroye, documentaire signé par la réalisatrice belgo-sénégalaise Diaka Ndiaye, s’impose comme une œuvre majeure pour éclairer une page sombre de l’histoire coloniale : le massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye le 1er décembre 1944. Ce film de 90 minutes ambitionne d’apporter des réponses, de rétablir des vérités occultées et de faire la lumière sur un événement resté trop longtemps dans l’ombre.

Un plaidoyer pour la mémoire collective
L’historienne française Armelle Mabon, fervente défenseure de la justice mémorielle, a insisté sur l’importance de diffuser ce documentaire aussi bien en Afrique qu’en Europe. Elle souligne que l’œuvre est indispensable pour comprendre l’histoire des tirailleurs sénégalais, souvent reléguée au second plan.

Dans ce film, la réalisatrice retrace le combat de Birame Senghor, ancien gendarme, qui depuis des décennies réclame réparation pour la mort de son père, Mbap Senghor, matricule 32/124, tué par des soldats français lors du massacre de Thiaroye. Selon Diaka Ndiaye, cet événement tragique découle d’une logique coloniale mise en place par la France dès le XIXᵉ siècle.

Une projection poignante à Dakar
Lundi dernier, La Gloire du chasseur Thiaroye a été projeté en avant-première au Musée des Civilisations Noires de Dakar, en prélude aux commémorations marquant les 80 ans du massacre. La salle comble comptait des intellectuels, des artistes et des militants pour la justice mémorielle.

Diaka Ndiaye, lors d’un échange avec les journalistes après la projection, a affirmé son désir de transmettre un message puissant à travers ce film. « Je voulais aller plus loin, offrir une perspective historique approfondie. Ceux qui ne connaissent rien ou peu de cette histoire doivent en ressortir éclairés », a-t-elle déclaré.

Dénoncer le « mensonge d’État » et exiger la vérité
L’un des axes principaux du documentaire est la mise en lumière du « mensonge d’État » orchestré par les autorités françaises de l’époque pour masquer les vérités du massacre. Diaka Ndiaye lance un appel pressant pour l’ouverture des archives historiques, exigeant que les autorités françaises « lâchent l’affaire » et permettent un accès transparent à ces documents.

Elle n’épargne pas non plus les dirigeants africains, reprochant à certains d’entre eux, notamment Léopold Sédar Senghor, de ne pas avoir pris de mesures pour faire éclater la vérité sur cet épisode sombre.

Un outil pour la jeunesse et l’éducation
Pour la réalisatrice, ce film ne se limite pas à une dénonciation : il se veut aussi pédagogique. Elle espère qu’il trouvera sa place dans les écoles pour transmettre cette histoire aux jeunes générations. « Ce n’était ni une mutinerie, ni une révolte », insiste-t-elle. Elle conteste les chiffres officiels, souvent réduits à 35 victimes, affirmant que le nombre réel avoisine les 300 à 400 morts.

Un appel panafricaniste et universel
Plusieurs voix se sont élevées pour saluer le documentaire, notamment celle de Gnaka Lagoke, universitaire américano-ivoirien. Il a appelé à la traduction du film en anglais, portugais et d’autres langues pour sensibiliser un public international. De son côté, Ange David Daimey, représentant de la Convention du panafricanisme, a plaidé pour une diffusion dans d’autres grandes villes africaines comme Abidjan et Bamako.

Pour eux, ce film n’est pas seulement une commémoration : il s’agit d’un acte de justice mémorielle et d’une étape cruciale dans la construction d’un sentiment d’unité panafricaine.

Un premier chapitre d’une trilogie mémorielle
La Gloire du chasseur Thiaroye constitue le premier volet d’une trilogie. À travers cette œuvre, Diaka Ndiaye pose les bases d’une exploration plus large des implications historiques et mémorielles liées aux tirailleurs sénégalais.

En restituant à Thiaroye la place qu’il mérite dans la mémoire collective, ce documentaire s’inscrit dans une démarche de vérité, de reconnaissance et de réconciliation. Une œuvre à voir, pour comprendre et ne jamais oublier.

Tahirou

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