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Le Sénégal, pays riche de ses langues et de sa diversité culturelle, fait un choix fort pour l’avenir de son système éducatif. Depuis 2024, les nouvelles autorités ont décidé de renforcer l’enseignement dans les langues nationales, à savoir le wolof, le diola, le sérère, le pular, le soninké et le malinké, toutes reconnues dans la Constitution. Cette décision s’inscrit dans une dynamique de souveraineté culturelle prônée par le nouveau gouvernement, en réponse à des décennies de revendications syndicales et intellectuelles.

Un tournant attendu dans l’éducation

L’usage des langues sénégalaises à l’école est loin d’être une nouveauté dans le débat national. Cette démarche s’appuie sur une conviction largement partagée : enseigner aux enfants dans leur langue maternelle facilite non seulement l’apprentissage, mais réduit également les retards en matière de lecture et d’écriture. Comme le rappelle El Hadji Malick Youm, secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants, « les enfants grandissent dans un environnement où leur langue maternelle prédomine, et quand ils arrivent à l’école à 6 ans, ils sont confrontés au français, ce qui peut être un obstacle à leur progression. »

Ce projet, concrétisé par l’annonce du ministre de l’Éducation, Moustapha Mamba Guirassy, marque un changement radical pour des milliers d’élèves. Dès octobre 2024, les enfants de Casamance feront leur rentrée en diola, une première dans cette région du sud. Progressivement, les autres régions suivront avec leurs langues nationales respectives, couvrant ainsi douze des quatorze régions du pays.

Des résultats concrets et prometteurs

Sur le terrain, les enseignants sont témoins des bienfaits de cette politique. Elhadji Ka, qui enseigne en wolof et pular, se félicite : « Les élèves apprennent plus vite dans leur langue maternelle, et cela rend l’apprentissage du français plus accessible par la suite. » Cette approche ne se contente pas d’utiliser les langues nationales comme simple support pédagogique ; elles deviennent désormais des matières à part entière, avec pour objectif à terme, de les introduire également au collège.

Cheikh Beye, chargé du programme de diffusion des langues sénégalaises, souligne que le français conservera une place importante dans l’éducation, mais rappelle que les langues nationales sont tout aussi essentielles, voire plus, pour refléter la réalité culturelle du pays.

Les défis à surmonter

Cependant, la mise en œuvre de cette politique rencontre encore quelques obstacles. Le manque de manuels adaptés dans les langues locales, ainsi que la formation insuffisante des enseignants, freine le processus. « La production de matériel pédagogique est un enjeu majeur pour le ministère », reconnaît Cheikh Beye, tout en assurant que des efforts sont en cours pour pallier ces lacunes.

Le soutien des linguistes et des chercheurs, comme Mamour Dramé de l’Université Cheikh Anta Diop, est crucial dans cette démarche. Depuis les années 2000, des dictionnaires, grammaires et lexiques des langues sénégalaises ont été créés pour codifier ces langues et permettre leur intégration dans le système éducatif.

Une réappropriation culturelle en marche

Au-delà de l’enjeu éducatif, cette initiative traduit une volonté plus large de réappropriation culturelle. Le ministre de l’Éducation a affirmé que les langues nationales sont « un patrimoine culturel qui reflète notre manière de penser, nos croyances et nos coutumes ». Cette réforme pourrait même aller plus loin avec une révision des programmes scolaires, incluant des figures historiques sénégalaises méconnues, comme Thierno Souleymane Baal, héros du XVIIIe siècle, ou encore une redéfinition de la place des tirailleurs sénégalais dans l’histoire nationale.

Un pas vers la souveraineté culturelle

Ce projet de sénégalisation des programmes scolaires s’inscrit dans la volonté des nouvelles autorités de promouvoir un enseignement qui valorise l’identité sénégalaise. En adoptant les langues nationales comme vecteurs d’enseignement, le Sénégal fait un pas décisif vers une souveraineté culturelle revendiquée, tout en offrant à ses élèves une éducation plus adaptée à leur réalité quotidienne.

Ainsi, l’initiative actuelle marque une nouvelle ère dans l’histoire de l’éducation au Sénégal, où langues et cultures locales occupent enfin la place qu’elles méritent dans la transmission des savoirs.

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